Conférence pour les AFC – 4 janvier 2017
Mgr Laurent DOGNIN, évêque de Quimper et Léon.
La famille : Eglise domestique et cellule vitale pour transformer le monde
Introduction :
Je voudrais d’abord vous exprimer ma satisfaction de partager avec vous cette soirée. J’ai eu l’occasion de travailler avec les AFC dans mes deux précédents diocèses, Nanterre et Bordeaux, et j’apprécie la manière avec laquelle les AFC promeuvent la famille dans la société. Pas seulement en défendant la famille contre les dangers qui la menacent, et il y en a, mais aussi en faisant des propositions concrètes pour soutenir les familles. Je pense par exemple aux petites vidéos sur l’éducation affective et sexuelle, mais également les « chantiers éducation » et autres initiatives très concrètes.
Puisque vous me donnez la parole, ce soir, je voudrais évoquer avec vous quelques convictions concernant la famille et qui sont au cœur du message évangélique. Je m’appuierai pour cela sur l’exhortation apostolique Amoris Laetitia, que le pape François a publié à la conclusion du synode sur la famille qui s’est tenu à Rome en 2014 et 2015. Il s’agit d’une exhortation post-synodale qui traduit alors la conclusion du pape sur le travail du Synode et donne des orientations pastorales.
Le synode est l’expression concrète de la collégialité des évêques qui portent ensemble la mission de l’Eglise. C’est la première fois dans l’histoire de l’Eglise qu’un synode se soit ainsi réuni sur deux sessions à un an d’intervalle et, en plus, que les fidèles aient été consultés. Cela se comprend dans la mesure où le sujet concernait la famille et qu’il était particulièrement nécessaire de connaître la situation des familles dans tous les continents et de savoir ce qui se faisait pour soutenir les familles, quelles étaient les initiatives, les expériences positives qui étaient mises en œuvre dans tous les diocèses du monde.
Pour en finir sur ce synode, je rappelle, et vous vous en souvenez sûrement, qu’il y avait eu des discussions assez vives lors de ces sessions et qu’aujourd’hui encore le débat continue entre les évêques notamment sur le chapitre 8 qui aborde la question de l’accompagnement, du discernement et de l’intégration dans l’Eglise de personnes dont la situation matrimoniale n’est pas objectivement conforme au message évangélique (jeunes vivant en couple sans se marier, personnes divorcées remariées, personnes homosexuelles). Ce débat est normal dans l’Eglise même s’il n’est pas heureux qu’il intervienne encore après le vote sur le document final du synode et encore plus après la publication de l’exhortation apostolique ! J’y reviendrai pour expliquer les raisons de ce débat.
Ce n’est pas nouveau dans l’Eglise. On se souvient de celui qui avait eu lieu à Jérusalem entre Pierre et Paul sur la question des conditions de l’accueil des païens au sein de l’Eglise. C’était très tendu. Elle s’était conclue pas un message commun qui apaisa de façon définitive les graves conflits qui avaient émaillé cette question… Il s’agit en quelque sorte de l’ancêtre de l’exhortation apostolique. On la trouve dans les Actes des Apôtres au chapitre 15.
Ce soir, je ne vais pas vous faire une conférence sur Amoris Laetitia qui aborde de façon très exhaustive toutes les questions qui touchent à la famille. J’ai choisi de partir de cette phrase de l’exhortation Amoris Laetitia que je trouve très pertinente : « La famille vit sa spiritualité en étant en même temps une Église domestique et une cellule vitale pour transformer le monde. » n°324.
Pour comprendre le défi que cela représente qu’une famille soit vraiment une Eglise domestique et en quoi elle peut être une « cellule vitale pour transformer le monde », je voudrais commencer par rappeler quel est le cœur de la Bonne Nouvelle que nous proclamons et que nous avons à transmettre dans le monde en commençant par sa famille. Puis j’aborderai la question de la beauté du mariage tel que Dieu l’a voulu et des défis que nous avons à surmonter pour le promouvoir et soutenir les couples. J’essaierai ensuite de donner quelques clefs pour comprendre pourquoi la famille doit être une Eglise domestique et enfin en quoi elle est une cellule vitale pour transformer le monde.
1. Oser l’Évangile : une Bonne Nouvelle bouleversante
Aujourd’hui, la foi ne se transmets plus comme avant dans les familles. Nous avions des familles profondément ancrées dans une Tradition chrétienne. Aujourd’hui, la foi ne se transmet aux enfants et petits enfants que par le témoignage de foi des parents et leur engagement évangélique. En famille, nous devons revenir au cœur de la foi et « Oser l’Evangile ». J’aime bien cette expression qui avait été le thème d’une rencontre internationale des équipes Notre Dame en 2012. Elle laisse entendre que l’Evangile est une richesse à vivre et à partager mais, en même temps, qu’il faut dépasser ses réticences ou ses peurs pour qu’il prenne une place dans notre vie et que nous ayons l’audace de le transmettre ! Ce message est destiné d’abord aux baptisés car pour « oser l’Evangile » il faut l’avoir accueilli et avoir déjà la foi dans le Christ. Mais d’abord, quel est donc cet Evangile que nous avons à oser ?Pour nous, l’Evangile, la Bonne Nouvelle, c’est d’abord le Kérygme, la première annonce. Nous trouvons cette première annonce dans tous les discours des Actes des Apôtres. Le même message est proclamé mais de façon différentes en fonction des personnes à qui les apôtres (Pierre et Paul essentiellement) s’adressent. Depuis les habitants de Jérusalem qui avaient été témoins, voire acteurs de la mort du Christ et qui avaient la foi juive jusqu’aux païens comme Corneille à Césarée ou aux membres de l’aréopage d’Athènes. Ce message tient en quelques phrases : Ce Jésus qui a été crucifié, Dieu l’a ressuscité des morts, nous en sommes les témoins. Tout homme qui croit en lui obtient le pardon de ses péchés et reçoit l’Esprit Saint pour en être lui-même témoin.
La résurrection du Christ vient ici comme une accréditation par Dieu que le Christ était bien son envoyé et donc que tout ce qu’il a fait et dit est bien une Bonne Nouvelle venant de Dieu et non des hommes.
C’est donc sur la résurrection que les apôtres vont appuyer leur message et sur le fait qu’ils en sont témoins, personnellement et collectivement car il faut plusieurs témoins pour que ce soit crédible. « …nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts » dit Saint Pierre à Corneille - Ac 10, 41.
Ce message appelle une libre adhésion et un changement de vie. « Que devons-nous faire ? » demandent les auditeurs qui ont entendu le discours de Pierre « Convertissez-vous ; que chacun reçoive le baptême au nom de Jésus-Christ pour le pardon de ses péchés, et vous recevrez le don du Saint-Esprit » Ac 2,38. En étant baptisés enfants et ayant toujours baigné dedans, nous ne sommes pas toujours conscient du changement de vie que la foi engendre. Le témoignage des catéchumènes ou des « recommençant » nous éclaire car eux ont bien compris qu’ils ne découvrent pas seulement un message dans l’Evangile mais le Dieu vivant en la personne de Jésus. Ce changement de vie radical apparaît encore plus fort dans des cas extrême comme des détenus qui demandent le baptême (cf. le détenu que j’ai baptisé et confirmé dans la Maison d’Arrêt de Gradignan lorsque j’étais encore à Bordeaux). Il avait bien conscience que demander le baptême signifiait clairement reconnaître le mal commis, demander pardon à ses victimes et à leur famille, assumer la peine que la justice lui avait donnée et renoncer à une manière de vivre qui serait en contradiction avec l’Evangile. Mais un vrai changement de vie qui n’est envisageable qu’avec la grâce extraordinaire qu’il a découverte dans l’accueil de la Bonne Nouvelle et la joie de se savoir aimé de Dieu malgré son péché. Il a entendu la Bonne Nouvelle mais il a aussi été touché par l’Esprit-Saint qui a révélé l’amour de Dieu en la personne de Jésus qu’il découvre comme vivant aujourd’hui. Adilson (baptisé et confirmé dans la prison) a écrit : « Dieu nous aime : voilà la source de la vraie joie. Même lorsque l’on a tout ce que l’on désire, on est parfois malheureux. On peut au contraire être privé de tout et même de la liberté ou de la santé, et être dans la paix et dans la joie si, dans notre cœur, il y a Dieu. C’est donc là que réside le secret : il faut que Dieu occupe toujours la première place dans notre vie. ».
Cela m’amène à une première réflexion sur la nécessité pour la famille de se laisser toucher par le kérygme : La découverte de l’amour de Dieu et de sa manifestation en Jésus ressuscité, puis l’adhésion personnelle au Christ dans la foi induit un changement de vie. Quand Jésus s’invite chez Zachée, c’est ce geste d’amour et cette rencontre qui met en lumière le péché de Zachée et qui provoque sa conversion. Si la rencontre du Christ ne précède pas l’appel à la conversion, c’est une loi de plus qui s’impose de l’extérieur. Cet appel apparaît comme une contrainte. C’est pourquoi la leçon de morale est souvent difficilement recevable s’il n’y a pas d’abord la découverte de l’amour de Dieu dans sa vie et s’il n’y a pas la découverte aussi que c’est en raison de l’amour de Dieu à mon égard qu’un changement de vie s’impose. Cela doit venir de l’intérieur. Car l’amour de Dieu appelle une réciprocité d’amour et un engagement. L’Evangile est donc d’abord une Bonne Nouvelle qui ouvre à la vraie vie avant d’être un code de bonne conduite. La conversion, et donc le changement de comportement vis-à-vis des autres, en est une conséquence heureuse. La foi entraîne la charité et le don de soi.
Oser l’Evangile en famille, finalement, c’est donc d’abord permettre que la rencontre soit possible avec Jésus Vivant pour les parents comme pour les enfants. La transmission de la foi est donc d’abord la mise en relation avec le Seigneur, mais elle passe par la connaissance de la Bonne Nouvelle et une vie d’Eglise.
Oser l’Evangile, c’est aussi affirmer qu’une vie éternelle nous est promise dès maintenant et au-delà de notre mort physique. « Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux qui sont morts » 1 Co 15,20. Et cette Espérance, loin de nous faire rêver à un monde meilleur en nous déconnectant du monde, est au contraire le moteur de nos engagements en ce monde. La puissance de l’Espérance nous permet de ne pas baisser les bras, elle nous libère de la tentation de nous replier sur nous-mêmes. Elle nous donne envie de donner notre vie terrestre pour les autres. C’est avec cette foi et cette Espérance que des hommes et des femmes, depuis des siècles, se sont donnés à Dieu et se sont engagés dans tous les domaines, vie de prière bien sûr mais aussi engagements sociaux (pour construire des écoles, des hôpitaux et venir en aide aux plus démunis). Et cela continue aujourd’hui…
Cette foi et cette Espérance sont aussi une source de bonheur véritable. La rencontre du Christ vivant nous inonde de joie et cette joie irrigue nos relations et nous donne la force de surmonter les épreuves. Dans son petit livre « catholique anonyme » (Seuil 2008), Thierry Bizot dit à quel point la découverte de la foi a changé sa manière de vivre avec les autres : « Un nouveau soleil venait d’apparaître dans ma galaxie, me forçant à reconsidérer toutes mes valeurs sous ce nouveau jour, m’apportant un bonheur indiscutable ». Dans une famille, ce n’est pas rien d’être habité par cette joie spirituelle !
La Bonne Nouvelle, l’Evangile, est donc le trésor inestimable de la rencontre de Jésus qui transforme profondément notre vie terrestre en la faisant entrer dans la vie de Dieu et en la comblant de joie. C’est cela que nous croyons, c’est cela que nous annonçons parce que nous l’avons expérimenté et que nous en sommes, à notre tour, les témoins…
Ce trésor, nous avons à le communiquer en premier lieu auprès de nos enfants, de notre conjoint, dans nos familles. Et ce n’est pas si simple ! Nous voyons bien que la transmission de la foi ne se fait pas si facilement aujourd’hui comme cela pouvait se faire autrefois. Nous ne sommes plus soutenus par un environnement chrétien qui soutenait l’éducation chrétienne que l’on donnait à la maison. Aujourd’hui, il faut « oser l’Evangile » en famille, avoir de l’audace. La nouvelle évangélisation est à développer dans l’Eglise mais aussi dans nos familles, petites Églises domestiques.
2. La famille « une Eglise domestique »
2.1 La beauté et le défi du mariage
Si je souhaite aborder cette question ce soir, c’est parce que l’institution du mariage est particulièrement en crise aujourd’hui.Les débats et manifestations provoquées par le projet de Loi sur le mariage pour tous n’a pas permis d’empêcher la Loi de passer. Et la plupart des continents ont proposé des lois semblables. Le phénomène est mondial ! Que pouvons-nous faire ? Ce qui compte aujourd’hui, c’est le témoignage que nous pouvons donner au monde de la vision chrétienne du mariage. Si nous affirmons nos convictions sur la beauté du mariage mais que nous ne le vivons pas, nous ne sommes pas crédibles !
Oser l’Evangile, c’est pour nous chrétiens, exprimer la conviction que le mariage entre un homme et une femme est une nécessité et une grâce pour le couple et pour les enfants.
Amoris Laetitia a de très belles pages sur le mariage : « Jésus, qui a réconcilié toutes choses en lui et qui a racheté l’homme du péché, n’a pas seulement ramené le mariage et la famille à leur forme originelle, mais il a aussi élevé le mariage au rang de signe sacramentel de son amour pour l’Église (cf. Mt 19, 1-12 ; Mc 10, 1-12 ; Ep 5, 21-32). C’est dans la famille humaine, réunie par le Christ, qu’est restituée ‘‘l’image et la ressemblance’’ de la Sainte Trinité (cf. Gn 1, 26), mystère d’où jaillit tout amour véritable. Par l’Église, le mariage et la famille reçoivent du Christ la grâce de l’Esprit Saint, pour témoigner de l’Évangile de l’amour de Dieu » (n°71).Un des défis que nous avons à surmonter aujourd’hui, c’est de convaincre les jeunes que le mariage apporte à leur couple une dimension surnaturelle à leur union conjugale. Beaucoup construisent une famille sans se marier, ni à la mairie, ni à l’Eglise.
Or, le mariage transforme le couple et la famille en Eglise domestique, autrement dit en un lieu où se manifeste la présence et l’amour du Christ et où chacun trouve sa vocation.
Comme l’exprime Amoris Laetitia : « Le sacrement de mariage n’est pas une convention sociale, un rite vide ni le simple signe extérieur d’un engagement. Le sacrement est un don pour la sanctification et le salut des époux, car « s’appartenant l’un à l’autre, ils représentent réellement, par le signe sacramentel, le rapport du Christ à son Église. Les époux sont donc pour l’Église le rappel permanent de ce qui est advenu sur la croix. Ils sont l’un pour l’autre et pour leurs enfants des témoins du salut dont le sacrement les rend participants ». Le mariage est une vocation, en tant qu’il constitue une réponse à l’appel spécifique à vivre l’amour conjugal comme signe imparfait de l’amour entre le Christ et l’Église. Par conséquent, la décision de se marier et de fonder une famille doit être le fruit d’un discernement vocationnel. » (n°72).
« Les Pères se sont également penchés sur la situation particulière d’un mariage seulement civil ou même, toute proportion gardée, d’une pure cohabitation où « quand l’union atteint une stabilité consistante à travers un lien public, elle est caractérisée par une affection profonde, confère des responsabilités à l’égard des enfants, donne la capacité de surmonter les épreuves et peut être considérée comme une occasion à accompagner dans le développement menant au sacrement du mariage ». D’autre part, il est préoccupant que de nombreux jeunes se méfient aujourd’hui du mariage et cohabitent en reportant indéfiniment l’engagement conjugal, tandis que d’autres mettent un terme à l’engagement pris et en instaurent immédiatement un nouveau. Ceux-là « qui font partie de l’Église ont besoin d’une attention pastorale miséricordieuse et encourageante ». En effet, non seulement la promotion du mariage chrétien revient aux Pasteurs, mais aussi « le discernement pastoral des situations de beaucoup de gens qui ne vivent plus dans cette situation » pour « entrer en dialogue pastoral avec ces personnes afin de mettre en évidence les éléments de leur vie qui peuvent conduire à une plus grande ouverture à l’Évangile du mariage dans sa plénitude ». Dans le discernement pastoral, il convient d’identifier « les éléments qui peuvent favoriser l’évangélisation et la croissance humaine et spirituelle » (n°293).
Nous sommes ici dans la chapitre 8 d’Amoris Laetitia qui fait couler beaucoup d’encre car le pape nous fait passer d’une situation où l’on affirmait la Doctrine : « Mariez-vous sinon vous êtes dans le péché. » A une situation de gradualité dans la pastorale, c’est à dire où on essaie de relever les éléments positifs que vivent les jeunes afin de les accompagner vers la plénitude de leur amour et de leur union. C’est ce que le pape exprimait aux cardinaux qui lui reprochait cette position, en disant qu’on ne pouvait pas être blanc ou noir, mais que nous devions « accompagner, discerner et intégrer » pour reprendre le cheminement proposé par le pape. L’attitude de Jésus dans l’Evangile affirme effectivement la Doctrine dans ses enseignements, mais manifeste la miséricorde dans ses rencontres. L’exemple le plus marquant étant sa rencontre avec Zachée ou la femme de Samarie.
Vous comprenez que c’est un chemin beaucoup plus difficile et qui engage davantage. Un chemin aussi plus délicat car on ne peut pas accepter non plus n’importe quelle situation ! Il faut discerner. Faire la différence entre un couple non marié qui est fidèle et qui élève ses enfants de façon responsable… et une union occasionnelle ou passagère.
Aujourd’hui, nous ne pouvons pas seulement nous désoler que nos enfants ne se marient plus, nous devons aussi les aider à cheminer afin qu’ils puissent arriver à découvrir l’amour de Dieu et à fonder leur union sur Lui. C’est cela aussi « oser l’Evangile » !
Amoris Laetitia appelle à soutenir les couples. Il y a des très belles pages sur les défis que les couples ont à surmonter et les moyens qui peuvent les y aider : 217 à 223. Je voudrais juste citer ce passage : « Les Pères synodaux ont signalé que « les premières années de mariage sont une période vitale et délicate durant laquelle les couples prennent davantage conscience des défis et de la signification du mariage. D’où l’exigence d’un accompagnement pastoral qui se poursuive après la célébration du sacrement (cf. Familiaris consortio, IIIème partie). Dans cette pastorale, la présence de couples mariés ayant une certaine expérience apparaît d’une grande importance. La paroisse est considérée comme le lieu où des couples expérimentés peuvent se mettre à la disposition des couples plus jeunes, avec l’éventuel concours d’associations, de mouvements ecclésiaux et de communautés nouvelles » (n°223).
Il y a de très belles initiatives qui sont proposées aux couples aujourd’hui dans l’Eglise. Je pense à Alpha couple, Alpha duo, aux WE « Amour et Vérité » (Emmanuel), aux sessions Cana (Chemin Neuf), au mouvement « Vivre et Aimer », etc… Il est important de les faire connaître à tous les couples que nous connaissons. J’ai rencontré des couples qui ont été sauvés grâce à ces mouvements et qui ont sauvé leur famille avec.
Il y a aussi des couples qui vivent l’échec. Certains sont séparés sans avoir contracté de nouvelle union. Il est important de les soutenir. La Communion Notre Dame de l’Alliance est une aide précieuse pour les aider à rester fidèles au sacrement de mariage, à cheminer vers le pardon et à aider les enfants à ne pas trop souffrir de cette séparation.
Il faut évoquer évidemment aussi les couples qui ont du se séparer et qui ont contracté une nouvelle union. Dans la même ligne que ce que j’ai évoqué pour les jeunes qui vivent en couple sans se marier, Amoris Laetitia nous invite à les accompagner, à discerner et à les intégrer dans la communauté chrétienne.
2.2 Accompagner, discerner, intégrer dans l’Eglise des couples remariés
Lorsqu’on rencontre une personne responsable et discrète, qui ne prétend pas placer ses désirs au-dessus du bien commun de l’Église, et un Pasteur qui sait reconnaître la gravité de la question entre ses mains, on évite le risque qu’un discernement donné conduise à penser que l’Église entretient une double morale ».
Ce discernement, comme on le voit, suppose une compétence pastorale. C’est pourquoi l’interprétation de ce chapitre 8 d’Amoris Laetitia est délicate. Les papes précédents n’abordaient pas cette question mais cela ne signifie pas que la question ne se posait pas.
Lors de notre dernière visite Ad limina avec le pape Benoît XVI en 2012, ce dernier nous avait répondu à huis clos, concernant la situation des divorcés remariés dans l’Eglise, que dans ce domaine là, nous devions faire « ce que nous pouvons… » Lui-même exprimant son expérience de pasteur lorsqu’il était archevêque de Munich. Autrement dit, une invitation au discernement et à la charité pastorale… mais il ne l’aurait pas écrit.
3. La famille comme lieu d’accueil des vocations
Le but de mon propos était de montrer comment une famille pouvait être une « Eglise domestique », c’est à dire une petite communauté chrétienne où l’Evangile est annoncé et vécu. J’ai évoqué le socle de cette Eglise domestique que représente les parents et l’aide que nous devons apporter pour cela aux couples. Il y a évidemment d’autres aspects mais on ne peut pas tout aborder ce soir. Je voudrais juste évoquer un point qui me paraît essentiel et qui est un défi pour les familles aujourd’hui. C’est la prière familiale et le discernement des vocations. Ce discernement se vit pleinement en commençant par la prière familiale qui éveille l’enfant à l’intériorité, à la louange, à l’action de grâce, au pardon, je veux souligner aussi la nécessité d’aider les enfants à découvrir la Parole de Dieu, à la lire, à la comprendre, à la prier. La Parole de Dieu est vraiment une nourriture comme l’écrit le pape : « La famille est appelée à partager la prière quotidienne, la lecture de la Parole de Dieu et la communion eucharistique pour faire grandir l’amour et devenir toujours davantage un temple de l’Esprit » n°29.
En faisant de sa famille une Eglise domestique, on permet à chacun de trouver sa vocation.
Parents comme enfants. Je pense aux vocations diaconales pour les pères mais où l’épouse est étroitement associée ou aux missions ecclésiales confiées par l’évêque à l’un ou à l’autre. Je pense aussi aux vocations des enfants que nous avons la responsabilité de faire éclore pour le bonheur de tous. Vocation dans le mariage mais aussi dans la vie religieuse ou la vie sacerdotale. C’est un point délicat car peu de parents, en fait, encouragent leurs enfants à envisager aussi ces vocations particulières ! Ce qui explique en partie le peu de vocations religieuses aujourd’hui. Les parents sont souvent un frein, sans doute parce qu’aujourd’hui on a peu d’enfants… on pense donc davantage à préserver à tout prix sa succession !
4. « Une cellule vitale pour transformer le monde »
« La famille est le lieu de la première socialisation, parce qu’elle est le premier endroit où on apprend à se situer face à l’autre, à écouter, à partager, à supporter, à respecter, à aider, à cohabiter. La tâche de l’éducation est d’éveiller le sentiment du monde et de la société comme foyer, c’est une éducation pour savoir ‘‘habiter’’, au-delà des limites de sa propre maison » n°276.
C’est pourquoi on peut vraiment dire que la famille est la cellule vitale qui transforme le monde dans la mesure où les enfants et les parents y apprennent à construire une communauté de vie et d’amour qui est appelée à s’unir à d’autres familles pour développer une société où chacun est respecté et notamment les plus fragiles.
On voit beaucoup de jeunes aujourd’hui, et je pense à ceux que les enseignants ont devant eux tous les jours dans les établissements scolaires, qui sont désocialisés. On pourrait dire mal éduqués mais c’est plus que cela car ils vivent dans des familles déstructurées où ils n’apprennent pas à vivre en société.
C’est pourquoi il est essentiel de promouvoir toutes les initiatives qui permettent aux familles, même celles qui ont vécu des épreuves ou qui sont brisées, de pouvoir apporter aux jeunes ce dont ils ont besoin pour se socialiser et par là même construire la société de demain. Les AFC font un travail remarquable en ce sens.
« En un mot, ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde. L’âme est répandue dans membres du corps comme les chrétiens dans les cités du monde. (…) L’âme est enfermée dans le corps, mais c’est elle qui maintient le corps; et les chrétiens sont comme détenus dans la prison du monde, mais c’est eux qui maintiennent le monde. ».
Cet esprit, cette âme, c’est la foi des chrétiens et leur engagement, mais aussi le trésor que constitue la Doctrine Sociale de l’Eglise qui est une compilation de ce que les apôtres et leurs successeurs depuis l’origine ont médité l’Evangile en regard des événements du monde. C’est donc un texte évolutif mais dont le fondement est toujours la Bonne Nouvelle de Jésus et son enseignement.
Conclusion :
Prière à la Sainte Famille :
Jésus, Marie et Joseph en vous, nous contemplons la splendeur de l’amour vrai, en toute confiance nous nous adressons à vous.
Sainte Famille de Nazareth, fais aussi de nos familles un lieu de communion et un cénacle de prière, d’authentiques écoles de l’Évangile et de petites Églises domestiques.
Sainte Famille de Nazareth, que plus jamais il n’y ait dans les familles des scènes de violence, d’isolement et de division ; que celui qui a été blessé ou scandalisé soit, bientôt, consolé et guéri.
Sainte Famille de Nazareth, fais prendre conscience à tous du caractère sacré et inviolable de la famille, de sa beauté dans le projet de Dieu.
Jésus, Marie et Joseph, Écoutez, exaucez notre prière
Amen !
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