La rentrée scolaire est faite.. La rentrée universitaire se prépare activement, ou est déjà « embrayée ». Le pays aussi se met en route: nouveau personnel politique.. grande attention aux rapports entre les professions ainsi qu’aux règles de la vie sociale.. Et puis, la vie du monde, pays et continents aux conditions de vie très variées, des pays immenses, d’autres communautés bien plus restreintes.. Nos sociétés, bien marquées par la vie internationale : dans nos cités, des gens de toutes couleurs et de toutes origines..


Dans un article de décembre 2004, quelques mots qu’adressait le pape Jean-Paul II aux AFC d’Italie peuvent nous accueillir encore aujourd’hui :
« La famille n’est pas seulement ‘au cœur de la vie chrétienne’ ; elle est également le fondement de la vie sociale et civile.. Il faut approfondir sans cesse l’intime portée personnelle, et, dans le même temps, la valeur sociale, originelle et inaliénable de cette union entre l’homme et la femme, qui se réalise à travers le mariage et donne naissance à la communauté familiale.
Ceux qui détruisent ce tissu fondamental de la coexistence humaine provoquent une profonde blessure à la société, ainsi que des dommages souvent irréparables.
Malheureusement, les attaques contre le mariage et la famille deviennent chaque jour plus fortes et radicales, tant du point de vue idéologique que sur le front législatif »
Paroles prononcées il y treize années ... et nous constatons qu’elles conservent aujourd’hui encore toute leur actualité : conviction fortement soulignée de la valeur primordiale de la famille sur la naissance et la croissance humaine des individus humains ; conviction tout aussi forte de l’importance de cette éducation que fait la famille, pour le bien de la vie sociale.


Nous savons que dès les débuts de son pontificat, Jean-Paul ii considéra ce thème de la famille comme primordial pour la qualité de la vie des humains. Ce fut donc sur ce sujet que le Synode de 1980 rassembla la réflexion de l’Eglise. L’encyclique Familiaris consortio, publiée en novembre 1981 nous en offre une réflexion vaste et profonde, vivifiante pour la foi et pour l’engagement dans le monde. Parole forte par conséquent, soucieuse de guider vers la vie, vers la joie, soucieuse aussi de mettre en garde contre des tentations trop faciles, inattentives aux exigences de l’esprit, quant à la communion entre les personnes.
Or, à l’approche de l’automne 2017, quelques trente cinq années après Familaris consortio, nous avons encore présents à l’esprit les deux synodes que vient de connaître l’Eglise, suscités cette fois par le pape François : tout d’abord, le synode extraordinaire sur la famille, ouvert le 5 octobre 2014, dont le Saint-Père pourra déclarer , en clôture, quinze jours plus tard :
« je me serais beaucoup inquiété s’il n’y avait pas eu ces tentations et discussions animées (tentation de descendre de la croix, ou du raidissement hostile..), si tout le monde avait été d’accord ou taciturne, dans une paix fausse et quiétiste. En revanche, j’ai vu et j’ai écouté, avec joie et reconnaissance, des discussions et des interventions pleines de foi, de zèle pastoral et doctrinal, de sagesse et de franchise. »


Ce premier synode de 2014, réaffirmait bien sûr la sensibilité forte de la vie en Eglise, attentive à la grandeur de la famille, que soulignait à sa manière le pape Jean-Paul II. Alors, durant toute une année, se poursuivra un approfondissement des perspectives discutées au synode d’octobre 2014, ceci jusqu’au synode de conclusion, ouvert cette fois-ci en Octobre 2015, synode qui peut nous guider, aujourd’hui, pour une présence lucide, consciente, responsable, engagée, .. notre vie de Foi imprégnant le quotidien de nos journées et de nos projets.

Ont bien sur été abordés les multiples contextes et situations que suscitent aujourd’hui nos sociétés : familles fortement soutenues par la foi, familles désunies, familles monoparentales.. impact de la science et de la technique sur les naissances etc..
Est évoquée, par exemple, dans nos médias, l’éventualité de fécondations et de naissances, hors du projet de vie de couple..


Au cœur de cette vie du monde, pour nous en AFC, une nouvelle étape, un nouveau soutien mutuel, et surtout, une présence mieux consciente, mieux engagée de la part de tous et de chacun, pour une véritable vie de Foi, forte de la joie que donne le Seigneur, notre compagnon de vie. Qu’importe-t-il avant tout de souligner, en début d’une nouvelle étape ? Sans doute, cette conviction que le compagnon de nos chemins, c’est le Seigneur. Nous redire de mieux en mieux combien le sacrement du mariage est une réelle présence, à nos côtés, dans les joies et les peines, du Seigneur lui-même, toujours accueillant, Joie surprenante, plus forte que toutes nos
limites et nos faiblesses, Joie que parfois peut-être nous perdons de vue.. mais que la vie et le Seigneur nous font retrouver, dans une adhésion toujours plus vraie.. Le pape François illustrerait cette aventure en songeant à l’épisode de Cana , en Galilée (Jn, 2) : le Père, tout joyeux du retour de son fils, évacuant toute attitude de demande de pardon ou d’explication, le père transformant l’eau en vin.. Débordement de Joie dans une communion forte ..


Souhaitons-nous, les uns aux autres, et à toute la vie du monde, l’expérience et le partage de cette Joie que Dieu, que le Seigneur, souhaite raviver sans cesse, dans notre parcours de frères et sœurs humains et que l’exhortation du pape François, « La joie de l’amour », peut nous aider à retrouver.
Bonne et forte route pour cette nouvelle étape.. Bonne et Sainte aventure pour tous.

P. Michel PENN.

A la St Michel.. « Tout le monde déménage »

Une nouvelle année AFC

Octobre s’annonce.. Déjà quelques semaines de scolarité depuis la rentrée.. L’année est lancée… Les activités prennent forme.. le Judo, la danse, le foot, la musique, et aussi le KT.

 

Un monde contrasté. Tous les jours, des échos d’Irak et de Syrie.. une trêve rompue.. des exodes en Afrique.. Un meilleur écho d’Amérique centrale.. la Colombie.. nouvelles fragiles mais encourageantes et à encourager.. Une session à l’ONU : climat tendu !

 

Et pour la France, déjà, comme une atmosphère d’élection.. avec le risque de polémiques excessives au détriment de propositions argumentées.. Et puis, l’Europe.. son statut, sa nature, sa cohésion, ses orientations.. Un univers, un monde, qui retentit en nous, de tous côtés !

 

Une année de la miséricorde qui nous aura vivifiés, et que nous intégrerons pour les étapes ultérieures de nos parcours. Quelques mots du Pape François [Laudato Si, 77..] peuvent nous servir de repère face à un nouveau parcours : «  Par la Parole du Seigneur, les cieux ont été faits » (Psaume 33/6). Prière qui nous invite à accueillir le monde comme un don, une offrande qui nous sont offerts et confiés ; la Création, un don de l’ordre de l’Amour ! Et nous pouvons penser, avec le livre de la Sagesse (XI  24) : «  Tu aimes tout ce qui existe ! Tu n’as de dégoût pour rien de ce que tu as fait ; car si tu avais haï quelque chose, tu ne l’aurais pas formé » !

 

Regard respectueux sur le monde, à nous offert, par Dieu, la Source ! Et en même temps, alors que nous admirons l’immensité et la splendeur de cet univers dans lesquels nous nous déployons, nous savons aussi que ce monde n’Est pas Dieu : nous le recevons du Créateur, qui nous le confie.. Nous comprenons alors que ne peut s’imposer la thèse d’un progrès matériel sans limites.. C’était peut-être une des préoccupations de la Coop 21, il y a quelques mois, comme aussi celle du saint et grand Concile orthodoxe  en Juin dernier, en Crète : « la personne humaine, ‘économe’, et non pas propriétaire de la création » !

 

L’univers, notre monde, confiés à notre compréhension, à nos découvertes.. Une multitude de formes de vie discernables plus ou moins immédiatement, comme des échos à l’infinie grandeur, à la merveilleuse beauté de la Source qui nous offre ce don.   Formidable domaine aussi, pour nos appétits d’action, vers de multiples dynamismes, naturels, spontanés, et en même temps, confortés par la compréhension que nous propose la Foi. « Édifier une Société toujours plus juste et toujours plus respectueuse de chacun », « cela s’appelle l’espérance » nous affirme la déclaration du Conseil Permanent de l’Épiscopat français, en Juin dernier, un an avant les diverses élections en France.

 

En route donc, pour un nouveau parcours ; de nombreuses difficultés, certes ! Des millions de sans-emploi, de vastes brassages de populations.. et puis, une vie internationale tourmentée, par définition.. Mais aussi, notre œuvre à édifier, par dignité, et puis, plus simplement, avec une profonde adhésion..

 

Parfois, nous pouvons avoir l’impression que rien n’est possible, qu’il n’est vraiment pas simple de savoir vers où s’orienter.. L’ensemble, la totalité, est un système tellement intégré, où tout fonctionne en interaction.. Il faudrait tellement de rénovation des façons d’être et de se comporter, que tout paraît impossible .. Tentation alors de la résignation ; la vie sera-t-elle vraiment plus belle et heureuse si nous nous impliquons ?

 

Une année de la Miséricorde peut nous avoir convaincus de l’importance de l’engagement.. Pouvons-nous oublier l’aspiration à des rapports humains, respectueux de chacun, et en particulier, à des rapports humains, respectueux des plus démunis ? C’est en famille que ceci s’apprend, patiemment, dans la persévérance, l’affection, la prière, les échanges..

 

Que conclure ? Si est accepté le fait que certains crient pour que soit respecté leur « droit à l’avortement », il est pour le moins tout aussi normal de veiller à ce que soient protégées, soutenues, entraidées, les familles où chacun grandit et apprend à être aimé, et à aimer !

 

Bonne nouvelle aventure, ensemble, en AFC, et dans la vie sociale.

 

Très cordialement  Michel PENN

 

 

Conférence du Père Marc Prigent, Brest le 26 novembre 2015

Introduction :

Le thème choisi est au cœur de l'actualité, au confluent de la réflexion (et questions) du Synode, de l'Année sainte de la Miséricorde, et bien sûr, de la récente canonisation des Epoux Martin.

1.Présentation de la famille martin :  

Famille "Disciple et Missionnaire"

Nous connaissons surtout Thérèse, ste Thérèse de l'Enfant Jésus de la Sainte Face, religieuse au Carmel de Lisieux : née à Alençon le 2 janvier 1873, entrée dans la Vie le 30 septembre 1897 à 24 ans. Ses parents Louis Martin (1823-1894) et Zélie Guérin (1831-1877), 2° enfant de Isidore et Louise-Jeanne Guérin. Mentionnons aussi la tante Visitandine au Mans (sœur aînée de Zélie) : 1829-1877. Ses sœurs : Marie (sr Marie du Sacré Coeur), Pauline (Mère Agnès de Jésus), Léonie (sr Françoise- Thérèse), et Céline (sr Geneviève de la sainte Face). Sans oublier Hélène, Joseph-Louis, Joseph-Jean-Baptiste et Mélanie-Thérèse, morts en bas-âge.

Les lieux :

La Normandie,.. Tout d'abord Alençon, puis Lisieux, après la mort de Zélie, afin de se rapprocher de la famille Guérin : installation aux Buissonnets en 1877 (Thérèse a 4 ans), o Le milieu :

Petite bourgeoisie catholique. Louis est horloger-bijoutier, Zélie denteiière.

2. Quelques "éclats" ou facettes de ce Diamant lumineux qu'est la Famille Martin

a.  Héritage et transmission :

Evidente si l'on considère Thérèse et ses soeurs, en découvrant leur milieu familial, écrin de sainteté.

Par la médiation de "personnes ressources"

(spécialement pour Zélie), et par l'Amour divin : Zélie a puisé dans le Cœur de Dieu, dans la prière, et aussi dans l'amour de son mari, l'affection, la tendresse, qu'elle n'avait pas reçu elle-même (surtout de sa mère). Et elle y a mis toute sa volonté, dans un choix d e vie délibéré !

b.   Le discernement de la vocation, et plus généralement, de la Volonté divine :

Dès leur jeunesse, ils brûlent d'un tel désir de Dieu qu'ils se croient appelés à la vie consacrée. Louis chez les chanoines du Grand-Saint-Bernard, et Zélie chez les Sœurs de la Charité. Mais le Seigneur, à travers obstacles (le latin) mais surtout les soutiens spirituels auxquels ils se confient totalement, leur fait découvrir le Mariage comme chemin de Sainteté : ils se marient le 13 juillet 1858.

Il en est de même pour la découverte de la beauté de l'amour humain dans toutes ses dimensions, comme partie intégrante du Mariage, du Don de soi : grâce au père spirituel de Louis, iis s'ouvrent au don de la vie, 8 mois après les noces : le temps d'une gestation ? Des fiançailles intégrées au mariage? Importance de rappeler la nécessité de vraies FIANÇAILLES chrétiennes aux jeunes (à temps et à contre-temps) comme chemin de découverte (la parole précède l'acte) en profondeur, et donc de réussite de l'alliance et de ses fruits (les enfants) : bénédiction ! (ou pas). Sans jugement, avec la proposition ultérieure de la miséricorde certes.

c.    Un couple aimant et fécond pour le Royaume :

Ils représentent et manifestent l'unité de l'amour dont parle Benoît XVI dans l'Encyclique "Deus Caritas est" : agapè, philia, eros, un unique Amour sorti du Coeur de Dieu. Ils vivent l'amour conjugal, l'amitié, la confiance, la tendresse, le respect, l'admiration, la complicité, comme en témoignent leurs lettres.

"Je t'embrasse de tout mon cœur, écrit Zélie à Louis, je suis si heureuse aujourd'hui à la pensée de te revoir, que je ne puis travailler. Ta femme qui t'aime plus que sa vie".

"Chère Amie, écrit Louis à Zélie, le temps me paraît long, il me tarde d'être près de toi. Ton mari et vrai ami qui t'aime pour la vie". La fécondité : 9 enfants, dont 4 décèdent en bas âge. Ils désirent recevoir et élever leurs enfants "pour le Ciel", et leur apprennent donc, comme le dira Thérèse, "à vivre d'amour". L'accueil de la vie est pour eux une évidence, un don de Dieu. Ils sont totalement étrangers à la "mentalité contraceptive" répandue aujourd'hui (même chez les chrétiens) : à distinguer de la "paternité et maternité responsable" qui est là encore est un chemin exigeant de sainteté, de respect de l'autre en tout son être. Importance de la formation des couples aux Méthodes naturelles de régulation des naissances (MAO du Cler, Billings). Vraies bénédictions pour les enfants ! La manière dont un enfant est conçu n'est pas anodine !!

A travers la perte de 4 petits enfants, ils apprennent à vivre la Communion des Saints.

d. Une famille "heureuse" (selon les Béatitudes)... et blessée. Epreuves et souffrances ;

L'éducation des enfants, chemin de joie, de croissance mais aussi de difficultés.

Le "cas" Léonie, un chemin d'épreuve et de sainteté : maltraitance, adolescence difficile, difficulté à trouver sa place, sa vocation... Qu'elle finit par trouver, en vivant en disciple de sa sœur Thérèse, la Petite Voie d'humilité.

La maladie de Zélie (cancer), le veuvage de Louis, sa maladie dégénérative, avec l'internement au Bon Pasteur de Caen.

L'OFFRANDE DE SOI (source de l'acte d'offrande de Thérèse) : "faire de sa vie une Messe dont nous sommes /'hostie" (Marthe Robin). Louis et Zélie ont vécu leurs épreuves de santé en union explicite avec la Passion du Christ.

La vie dans la CONFIANCE, l'abandon, le Don : Quand je pense à ce que le bon Dieu, en qui j'ai mis toute ma confiance et entre les mains de qui j'ai remis le soin de mes affaires, a fait pour moi et mon mari, je ne puis douter que sa divine Providence veille avec un soin particulier sur ses enfants" écrit Zélie Martin. Et aussi : "Moi, je sais que le Bon Dieu s'occupe de moi, je m'en suis aperçue bien des fois dans ma vie et combien j'ai de souvenirs à ce sujet, qui ne s'effaceront jamais de ma mémoire" (capacité de relecture spirituelle = faire mémoire).

e.   "Dieu premier servi" :

Selon la devise familiale reprise de ste Jeanne d'Arc. "Dieu ou rien" ! La prière, dans une grande radicalité évangélique.

Ils se donnent les moyens de la fidélité et de la sainteté !

"Oui, j'ai un but, et ce but, c'est d'aimer Dieu de tout mon cœur" confesse Louis Martin.

f.    Le rayonnement missionnaire :

Engagement quotidien (familial, professionnel et social) fondé sur le Christ : partis de rien, Louis et Zélie finissent à ia tête d'une belle entreprise de dentelle en point d'Alençon pour laquelle ils ont travaillé comme des forçats. Louis a revendu son horloger-bijouterie pour s'y consacrer. Ils travaillent en chrétiens à la pointe de la doctrine sociale de l'Eglise, en privilégiant toujours le service de Dieu et le bien de leurs employés, et donnant largement aux pauvres et à l'Eglise. ' 'Iis ont servi Dieu dans le pauvre, non par simple élan de générosité, ni par justice sociale, mais simplement parce que le pauvre est Jésus" (cardinal Martins). Mais aussi témoignage évangélique explicite.

Attention aux autres, au voisinage, à l'injustice et à la maltraitance qu'ils ne craignent pas de chercher à résoudre : exemple de l'intervention vis à vis des 2 fausses religieuses (enfant "enlevée" à sa mère comme source de revenu). Scandale, commissariat, retournement...

Ainsi, ils sont devenus un "modèle exemplaire de foyer missionnaire", selon l'expression du cardinal Martins (Messe de béatification). D'où le choix de la Journée Mondiale des Missions pour célébrer cette béatification. Les époux Martin donnaient aussi largement à l'Œuvre de la Propagation de la Foi, et désiraient par ailleurs avoir un fils missionnaire et des filles religieuses. Ce qui ne signifie par que ce don radical ait été facile !

3. En conclusion :

Ils nous montrent et nous rappellent ce qu'est une vraie famille "selon le Cœur de Dieu", ce qu'est la Famille chrétienne. Notre chemin de miséricorde et de sainteté pour tous.

Et le Pape François pour conclure (Homélie de la Canonisation) :

Les saints époux Louis Martin et Marie Azélie Guérin ont vécu le service chrétien dans la famille, construisant jour après jour une atmosphère pleine de foi et d'amour ; et dans ce climat ont germé les vocations de leurs filles, parmi lesquelles sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus.

Conférence pour les AFC – 4 janvier 2017

Mgr Laurent DOGNIN, évêque de Quimper et Léon.

La famille : Eglise domestique et cellule vitale pour transformer le monde

Introduction :

Je voudrais d’abord vous exprimer ma satisfaction de partager avec vous cette soirée. J’ai eu l’occasion de travailler avec les AFC dans mes deux précédents diocèses, Nanterre et Bordeaux, et j’apprécie la manière avec laquelle les AFC promeuvent la famille dans la société. Pas seulement en défendant la famille contre les dangers qui la menacent, et il y en a, mais aussi en faisant des propositions concrètes pour soutenir les familles. Je pense par exemple aux petites vidéos sur l’éducation affective et sexuelle, mais également les « chantiers éducation » et autres initiatives très concrètes.

Puisque vous me donnez la parole, ce soir, je voudrais évoquer avec vous quelques convictions concernant la famille et qui sont au cœur du message évangélique. Je m’appuierai pour cela sur l’exhortation apostolique Amoris Laetitia, que le pape François a publié à la conclusion du synode sur la famille qui s’est tenu à Rome en 2014 et 2015. Il s’agit d’une exhortation post-synodale qui traduit alors la conclusion du pape sur le travail du Synode et donne des orientations pastorales.

Le synode est l’expression concrète de la collégialité des évêques qui portent ensemble la mission de l’Eglise. C’est la première fois dans l’histoire de l’Eglise qu’un synode se soit ainsi réuni sur deux sessions à un an d’intervalle et, en plus, que les fidèles aient été consultés. Cela se comprend dans la mesure où le sujet concernait la famille et qu’il était particulièrement nécessaire de connaître la situation des familles dans tous les continents et de savoir ce qui se faisait pour soutenir les familles, quelles étaient les initiatives, les expériences positives qui étaient mises en œuvre dans tous les diocèses du monde.

Pour en finir sur ce synode, je rappelle, et vous vous en souvenez sûrement, qu’il y avait eu des discussions assez vives lors de ces sessions et qu’aujourd’hui encore le débat continue entre les évêques notamment sur le chapitre 8 qui aborde la question de l’accompagnement, du discernement et de l’intégration dans l’Eglise de personnes dont la situation matrimoniale n’est pas objectivement conforme au message évangélique (jeunes vivant en couple sans se marier, personnes divorcées remariées, personnes homosexuelles). Ce débat est normal dans l’Eglise même s’il n’est pas heureux qu’il intervienne encore après le vote sur le document final du synode et encore plus après la publication de l’exhortation apostolique ! J’y reviendrai pour expliquer les raisons de ce débat.

Ce n’est pas nouveau dans l’Eglise. On se souvient de celui qui avait eu lieu à Jérusalem entre Pierre et Paul sur la question des conditions de l’accueil des païens au sein de l’Eglise. C’était très tendu. Elle s’était conclue pas un message commun qui apaisa de façon définitive les graves conflits qui avaient émaillé cette question… Il s’agit en quelque sorte de l’ancêtre de l’exhortation apostolique. On la trouve dans les Actes des Apôtres au chapitre 15.

Ce soir, je ne vais pas vous faire une conférence sur Amoris Laetitia qui aborde de façon très exhaustive toutes les questions qui touchent à la famille. J’ai choisi de partir de cette phrase de l’exhortation Amoris Laetitia que je trouve très pertinente : « La famille vit sa spiritualité en étant en même temps une Église domestique et une cellule vitale pour transformer le monde. » n°324.

Pour comprendre le défi que cela représente qu’une famille soit vraiment une Eglise domestique et en quoi elle peut être une « cellule vitale pour transformer le monde », je voudrais commencer par rappeler quel est le cœur de la Bonne Nouvelle que nous proclamons et que nous avons à transmettre dans le monde en commençant par sa famille. Puis j’aborderai la question de la beauté du mariage tel que Dieu l’a voulu et des défis que nous avons à surmonter pour le promouvoir et soutenir les couples. J’essaierai ensuite de donner quelques clefs pour comprendre pourquoi la famille doit être une Eglise domestique et enfin en quoi elle est une cellule vitale pour transformer le monde.

 1. Oser l’Évangile : une Bonne Nouvelle bouleversante

Aujourd’hui, la foi ne se transmets plus comme avant dans les familles. Nous avions des familles profondément ancrées dans une Tradition chrétienne. Aujourd’hui, la foi ne se transmet aux enfants et petits enfants que par le témoignage de foi des parents et leur engagement évangélique. En famille, nous devons revenir au cœur de la foi et « Oser l’Evangile ». J’aime bien cette expression qui avait été le thème d’une rencontre internationale des équipes Notre Dame en 2012. Elle laisse entendre que l’Evangile est une richesse à vivre et à partager mais, en même temps, qu’il faut dépasser ses réticences ou ses peurs pour qu’il prenne une place dans notre vie et que nous ayons l’audace de le transmettre ! Ce message est destiné d’abord aux baptisés car pour « oser l’Evangile » il faut l’avoir accueilli et avoir déjà la foi dans le Christ. Mais d’abord, quel est donc cet Evangile que nous avons à oser ?

Pour nous, l’Evangile, la Bonne Nouvelle, c’est d’abord le Kérygme, la première annonce. Nous trouvons cette première annonce dans tous les discours des Actes des Apôtres. Le même message est proclamé mais de façon différentes en fonction des personnes à qui les apôtres (Pierre et Paul essentiellement) s’adressent. Depuis les habitants de Jérusalem qui avaient été témoins, voire acteurs de la mort du Christ et qui avaient la foi juive jusqu’aux païens comme Corneille à Césarée ou aux membres de l’aréopage d’Athènes. Ce message tient en quelques phrases : Ce Jésus qui a été crucifié, Dieu l’a ressuscité des morts, nous en sommes les témoins. Tout homme qui croit en lui obtient le pardon de ses péchés et reçoit l’Esprit Saint pour en être lui-même témoin.

La résurrection du Christ vient ici comme une accréditation par Dieu que le Christ était bien son envoyé et donc que tout ce qu’il a fait et dit est bien une Bonne Nouvelle venant de Dieu et non des hommes.

C’est donc sur la résurrection que les apôtres vont appuyer leur message et sur le fait qu’ils en sont témoins, personnellement et collectivement car il faut plusieurs témoins pour que ce soit crédible. « …nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts » dit Saint Pierre à Corneille - Ac 10, 41.

Ce message appelle une libre adhésion et un changement de vie. « Que devons-nous faire ? » demandent les auditeurs qui ont entendu le discours de Pierre « Convertissez-vous ; que chacun reçoive le baptême au nom de Jésus-Christ pour le pardon de ses péchés, et vous recevrez le don du Saint-Esprit » Ac 2,38. En étant baptisés enfants et ayant toujours baigné dedans, nous ne sommes pas toujours conscient du changement de vie que la foi engendre. Le témoignage des catéchumènes ou des « recommençant » nous éclaire car eux ont bien compris qu’ils ne découvrent pas seulement un message dans l’Evangile mais le Dieu vivant en la personne de Jésus. Ce changement de vie radical apparaît encore plus fort dans des cas extrême comme des détenus qui demandent le baptême (cf. le détenu que j’ai baptisé et confirmé dans la Maison d’Arrêt de Gradignan lorsque j’étais encore à Bordeaux). Il avait bien conscience que demander le baptême signifiait clairement reconnaître le mal commis, demander pardon à ses victimes et à leur famille, assumer la peine que la justice lui avait donnée et renoncer à une manière de vivre qui serait en contradiction avec l’Evangile. Mais un vrai changement de vie qui n’est envisageable qu’avec la grâce extraordinaire qu’il a découverte dans l’accueil de la Bonne Nouvelle et la joie de se savoir aimé de Dieu malgré son péché. Il a entendu la Bonne Nouvelle mais il a aussi été touché par l’Esprit-Saint qui a révélé l’amour de Dieu en la personne de Jésus qu’il découvre comme vivant aujourd’hui. Adilson (baptisé et confirmé dans la prison) a écrit : « Dieu nous aime : voilà la source de la vraie joie. Même lorsque l’on a tout ce que l’on désire, on est parfois malheureux. On peut au contraire être privé de tout et même de la liberté ou de la santé, et être dans la paix et dans la joie si, dans notre cœur, il y a Dieu. C’est donc là que réside le secret : il faut que Dieu occupe toujours la première place dans notre vie. ».

Cela m’amène à une première réflexion sur la nécessité pour la famille de se laisser toucher par le kérygme : La découverte de l’amour de Dieu et de sa manifestation en  Jésus ressuscité, puis l’adhésion personnelle au Christ dans la foi induit un changement de vie. Quand Jésus s’invite chez Zachée, c’est ce geste d’amour et cette rencontre qui met en lumière le péché de Zachée et qui provoque sa conversion. Si la rencontre du Christ ne précède pas l’appel à la conversion, c’est une loi de plus qui s’impose de l’extérieur. Cet appel apparaît comme une contrainte. C’est pourquoi la leçon de morale est souvent difficilement recevable s’il n’y a pas d’abord la découverte de l’amour de Dieu dans sa vie et s’il n’y a pas la découverte aussi que c’est en raison de l’amour de Dieu à mon égard qu’un changement de vie s’impose. Cela doit venir de l’intérieur. Car l’amour de Dieu appelle une réciprocité d’amour et un engagement. L’Evangile est donc d’abord une Bonne Nouvelle qui ouvre à la vraie vie avant d’être un code de bonne conduite. La conversion, et donc le changement de comportement vis-à-vis des autres, en est une conséquence heureuse. La foi entraîne la charité et le don de soi.

Oser l’Evangile en famille, finalement, c’est donc d’abord permettre que la rencontre soit possible avec Jésus Vivant pour les parents comme pour les enfants. La transmission de la foi est donc d’abord la mise en relation avec le Seigneur, mais elle passe par la connaissance de la Bonne Nouvelle et une vie d’Eglise.

Oser l’Evangile, c’est aussi affirmer qu’une vie éternelle nous est promise dès maintenant et au-delà de notre mort physique. « Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux qui sont morts » 1 Co 15,20. Et cette Espérance, loin de nous faire rêver à un monde meilleur en nous déconnectant du monde, est au contraire le moteur de nos engagements en ce monde. La puissance de l’Espérance nous permet de ne pas baisser les bras, elle nous libère de la tentation de nous replier sur nous-mêmes. Elle nous donne envie de donner notre vie terrestre pour les autres. C’est avec cette foi et cette Espérance que des hommes et des femmes, depuis des siècles, se sont donnés à Dieu et se sont engagés dans tous les domaines, vie de prière bien sûr mais aussi engagements sociaux (pour construire des écoles, des hôpitaux et venir en aide aux plus démunis). Et cela continue aujourd’hui…

Cette foi et cette Espérance sont aussi une source de bonheur véritable. La rencontre du Christ vivant nous inonde de joie et cette joie irrigue nos relations et nous donne la force de surmonter les épreuves. Dans son petit livre « catholique anonyme » (Seuil 2008), Thierry Bizot dit à quel point la découverte de la foi a changé sa manière de vivre avec les autres : « Un nouveau soleil venait d’apparaître dans ma galaxie, me forçant à reconsidérer toutes mes valeurs sous ce nouveau jour, m’apportant un bonheur indiscutable ». Dans une famille, ce n’est pas rien d’être habité par cette joie spirituelle !

La Bonne Nouvelle, l’Evangile, est donc le trésor inestimable de la rencontre de Jésus qui transforme profondément notre vie terrestre en la faisant entrer dans la vie de Dieu et en la comblant de joie. C’est cela que nous croyons, c’est cela que nous annonçons parce que nous l’avons expérimenté et que nous en sommes, à notre tour, les témoins…

Ce trésor, nous avons à le communiquer en premier lieu auprès de nos enfants, de notre conjoint, dans nos familles. Et ce n’est pas si simple ! Nous voyons bien que la transmission de la foi ne se fait pas si facilement aujourd’hui comme cela pouvait se faire autrefois. Nous ne sommes plus soutenus par un environnement chrétien qui soutenait l’éducation chrétienne que l’on donnait à la maison. Aujourd’hui, il faut « oser l’Evangile » en famille, avoir de l’audace. La nouvelle évangélisation est à développer dans l’Eglise mais aussi dans nos familles, petites Églises domestiques.

2. La famille « une Eglise domestique »

 2.1 La beauté et le défi du mariage
Si je souhaite aborder cette question ce soir, c’est parce que l’institution du mariage est particulièrement en crise aujourd’hui.

Les débats et manifestations provoquées par le projet de Loi sur le mariage pour tous n’a pas permis d’empêcher la Loi de passer. Et la plupart des continents ont proposé des lois semblables. Le phénomène est mondial ! Que pouvons-nous faire ? Ce qui compte aujourd’hui, c’est le témoignage que nous pouvons donner au monde de la vision chrétienne du mariage. Si nous affirmons nos convictions sur la beauté du mariage mais que nous ne le vivons pas, nous ne sommes pas crédibles !

Oser l’Evangile, c’est pour nous chrétiens, exprimer la conviction que le mariage entre un homme et une femme est une nécessité et une grâce pour le couple et pour les enfants.

Amoris Laetitia a de très belles pages sur le mariage : « Jésus, qui a réconcilié toutes choses en lui et qui a racheté l’homme du péché, n’a pas seulement ramené le mariage et la famille à leur forme originelle, mais il a aussi élevé le mariage au rang de signe sacramentel de son amour pour l’Église (cf. Mt 19, 1-12 ; Mc 10, 1-12 ; Ep 5, 21-32). C’est dans la famille humaine, réunie par le Christ, qu’est restituée ‘‘l’image et la ressemblance’’ de la Sainte Trinité (cf. Gn 1, 26), mystère d’où jaillit tout amour véritable. Par l’Église, le mariage et la famille reçoivent du Christ la grâce de l’Esprit Saint, pour témoigner de l’Évangile de l’amour de Dieu » (n°71).

Un des défis que nous avons à surmonter aujourd’hui, c’est de convaincre les jeunes que le mariage apporte à leur couple une dimension surnaturelle à leur union conjugale. Beaucoup construisent une famille sans se marier, ni à la mairie, ni à l’Eglise.

Or, le mariage transforme le couple et la famille en Eglise domestique, autrement dit en un lieu où se manifeste la présence et l’amour du Christ et où chacun trouve sa vocation.

Comme l’exprime Amoris Laetitia : « Le sacrement de mariage n’est pas une convention sociale, un rite vide ni le simple signe extérieur d’un engagement. Le sacrement est un don pour la sanctification et le salut des époux, car « s’appartenant l’un à l’autre, ils représentent réellement, par le signe sacramentel, le rapport du Christ à son Église. Les époux sont donc pour l’Église le rappel permanent de ce qui est advenu sur la croix. Ils sont l’un pour l’autre et pour leurs enfants des témoins du salut dont le sacrement les rend participants ». Le mariage est une vocation, en tant qu’il constitue une réponse à l’appel spécifique à vivre l’amour conjugal comme signe imparfait de l’amour entre le Christ et l’Église. Par conséquent, la décision de se marier et de fonder une famille doit être le fruit d’un discernement vocationnel. » (n°72).

Amoris Laetitia propose, non pas seulement de rappeler aux jeunes qu’ils doivent se marier mais qu’il faut les aider à cheminer et les accompagner vers le mariage :

« Les Pères se sont également penchés sur la situation particulière d’un mariage seulement civil ou même, toute proportion gardée, d’une pure cohabitation où « quand l’union atteint une stabilité consistante à travers un lien public, elle est caractérisée par une affection profonde, confère des responsabilités à l’égard des enfants, donne la capacité de surmonter les épreuves et peut être considérée comme une occasion à accompagner dans le développement menant au sacrement du mariage ». D’autre part, il est préoccupant que de nombreux jeunes se méfient aujourd’hui du mariage et cohabitent en reportant indéfiniment l’engagement conjugal, tandis que d’autres mettent un terme à l’engagement pris et en instaurent immédiatement un nouveau. Ceux-là « qui font partie de l’Église ont besoin d’une attention pastorale miséricordieuse et encourageante ». En effet, non seulement la promotion du mariage chrétien revient aux Pasteurs, mais aussi « le discernement pastoral des situations de beaucoup de gens qui ne vivent plus dans cette situation » pour « entrer en dialogue pastoral avec ces personnes afin de mettre en évidence les éléments de leur vie qui peuvent conduire à une plus grande ouverture à l’Évangile du mariage dans sa plénitude ». Dans le discernement pastoral, il convient d’identifier « les éléments qui peuvent favoriser l’évangélisation et la croissance humaine et spirituelle » (n°293).

Nous sommes ici dans la chapitre 8 d’Amoris Laetitia qui fait couler beaucoup d’encre car le pape nous fait passer d’une situation où l’on affirmait la Doctrine : « Mariez-vous sinon vous êtes dans le péché. » A une situation de gradualité dans la pastorale, c’est à dire où on essaie de relever les éléments positifs que vivent les jeunes afin de les accompagner vers la plénitude de leur amour et de leur union. C’est ce que le pape exprimait aux cardinaux qui lui reprochait cette position, en disant qu’on ne pouvait pas être blanc ou noir, mais que nous devions « accompagner, discerner et intégrer » pour reprendre le cheminement proposé par le pape. L’attitude de Jésus dans l’Evangile affirme effectivement la Doctrine dans ses enseignements, mais manifeste la miséricorde dans ses rencontres. L’exemple le plus marquant étant sa rencontre avec Zachée ou la femme de Samarie.

Vous comprenez que c’est un chemin beaucoup plus difficile et qui engage davantage. Un chemin aussi plus délicat car on ne peut pas accepter non plus n’importe quelle situation ! Il faut discerner. Faire la différence entre un couple non marié qui est fidèle et qui élève ses enfants de façon responsable… et une union occasionnelle ou passagère.

Aujourd’hui, nous ne pouvons pas seulement nous désoler que nos enfants ne se marient plus, nous devons aussi les aider à cheminer afin qu’ils puissent arriver à découvrir l’amour de Dieu et à fonder leur union sur Lui. C’est cela aussi « oser l’Evangile » !

J’ai évoqué la question des couples non mariés ou en devenir, mais il nous faut aussi soutenir les couples mariés de tous âges. C’est un vrai défi aujourd’hui quand on sait à quel point la société met les couples à l’épreuve. Je ne vais pas développer ce soir mais on voit bien que rien n’est fait dans la société, au contraire, pour aider les couples à rester fidèles et à surmonter les épreuves inévitables de la relation conjugale.

Amoris Laetitia appelle à soutenir les couples. Il y a des très belles pages sur les défis que les couples ont à surmonter et les moyens qui peuvent les y aider : 217 à 223. Je voudrais juste citer ce passage : « Les Pères synodaux ont signalé que « les premières années de mariage sont une période vitale et délicate durant laquelle les couples prennent davantage conscience des défis et de la signification du mariage. D’où l’exigence d’un accompagnement pastoral qui se poursuive après la célébration du sacrement (cf. Familiaris consortio, IIIème partie). Dans cette pastorale, la présence de couples mariés ayant une certaine expérience apparaît d’une grande importance. La paroisse est considérée comme le lieu où des couples expérimentés peuvent se mettre à la disposition des couples plus jeunes, avec l’éventuel concours d’associations, de mouvements ecclésiaux et de communautés nouvelles » (n°223).

Il y a de très belles initiatives qui sont proposées aux couples aujourd’hui dans l’Eglise. Je pense à Alpha couple, Alpha duo, aux WE « Amour et Vérité » (Emmanuel), aux sessions Cana (Chemin Neuf), au mouvement « Vivre et Aimer », etc… Il est important de les faire connaître à tous les couples que nous connaissons. J’ai rencontré des couples qui ont été sauvés grâce à ces mouvements et qui ont sauvé leur famille avec.

Il y a aussi des couples qui vivent l’échec. Certains sont séparés sans avoir contracté de nouvelle union. Il est important de les soutenir. La Communion Notre Dame de l’Alliance est une aide précieuse pour les aider à rester fidèles au sacrement de mariage, à cheminer vers le pardon et à aider les enfants à ne pas trop souffrir de cette séparation.

Il faut évoquer évidemment aussi les couples qui ont du se séparer et qui ont contracté une nouvelle union. Dans la même ligne que ce que j’ai évoqué pour les jeunes qui vivent en couple sans se marier, Amoris Laetitia nous invite à les accompagner, à discerner et à les intégrer dans la communauté chrétienne.

2.2 Accompagner, discerner, intégrer dans l’Eglise des couples remariés
Comme nous le lisons dans le n°300 : « Si l’on tient compte de l’innombrable diversité des situations concrètes, comme celles mentionnées auparavant, on peut comprendre qu’on ne devait pas attendre du Synode ou de cette Exhortation une nouvelle législation générale du genre canonique, applicable à tous les cas. Il faut seulement un nouvel encouragement au discernement responsable personnel et pastoral des cas particuliers, qui devrait reconnaître que, étant donné que « le degré de responsabilité n’est pas le même dans tous les cas », les conséquences ou les effets d’une norme ne doivent pas nécessairement être toujours les mêmes. Les prêtres ont la mission « d’accompagner les personnes intéressées sur la voie du discernement selon l’enseignement de l’Église et les orientations de l’évêque. Dans ce processus, il sera utile de faire un examen de conscience, grâce à des moments de réflexion et de repentir. Les divorcés remariés devraient se demander comment ils se sont comportés envers leurs enfants quand l’union conjugale est entrée en crise ; s’il y a eu des tentatives de réconciliation ; quelle est la situation du partenaire abandonné ; quelles conséquences a la nouvelle relation sur le reste de la famille et sur la communauté des fidèles ; quel exemple elle offre aux jeunes qui doivent se préparer au mariage. Une réflexion sincère peut renforcer la confiance en la miséricorde de Dieu, qui n’est refusée à personne ». Il s’agit d’un itinéraire d’accompagnement et de discernement qui « oriente ces fidèles à la prise de conscience de leur situation devant Dieu. Le colloque avec le prêtre, dans le for interne, concourt à la formation d’un jugement correct sur ce qui entrave la possibilité d’une participation plus entière à la vie de l’Église et sur les étapes à accomplir pour la favoriser et la faire grandir. Étant donné que, dans la loi elle-même, il n’y a pas de gradualité (cf. Familiaris consortio, n.34), ce discernement ne pourra jamais s’exonérer des exigences de vérité et de charité de l’Évangile proposées par l’Église. Pour qu’il en soit ainsi, il faut garantir les conditions nécessaires d’humilité, de discrétion, d’amour de l’Église et de son enseignement, dans la recherche sincère de la volonté de Dieu et avec le désir de parvenir à y répondre de façon plus parfaite ». Ces attitudes sont fondamentales pour éviter le grave risque de messages erronés, comme l’idée qu’un prêtre peut concéder rapidement des ‘‘exceptions’’, ou qu’il existe des personnes qui peuvent obtenir des privilèges sacramentaux en échange de faveurs.

Lorsqu’on rencontre une personne responsable et discrète, qui ne prétend pas placer ses désirs au-dessus du bien commun de l’Église, et un Pasteur qui sait reconnaître la gravité de la question entre ses mains, on évite le risque qu’un discernement donné conduise à penser que l’Église entretient une double morale ».

Ce discernement, comme on le voit, suppose une compétence pastorale. C’est pourquoi l’interprétation de ce chapitre 8 d’Amoris Laetitia est délicate. Les papes précédents n’abordaient pas cette question mais cela ne signifie pas que la question ne se posait pas.

Lors de notre dernière visite Ad limina avec le pape Benoît XVI en 2012, ce dernier nous avait répondu à huis clos, concernant la situation des divorcés remariés dans l’Eglise, que dans ce domaine là, nous devions faire « ce que nous pouvons… » Lui-même exprimant son expérience de pasteur lorsqu’il était archevêque de Munich. Autrement dit, une invitation au discernement et à la charité pastorale… mais il ne l’aurait pas écrit.

3. La famille comme lieu d’accueil des vocations

Le but de mon propos était de montrer comment une famille pouvait être une « Eglise domestique », c’est à dire une petite communauté chrétienne où l’Evangile est annoncé et vécu. J’ai évoqué le socle de cette Eglise domestique que représente les parents et l’aide que nous devons apporter pour cela aux couples. Il y a évidemment d’autres aspects mais on ne peut pas tout aborder ce soir. Je voudrais juste évoquer un point qui me paraît essentiel et qui est un défi pour les familles aujourd’hui. C’est la prière familiale et le discernement des vocations. Ce discernement se vit pleinement en commençant par la prière familiale qui éveille l’enfant à l’intériorité, à la louange, à l’action de grâce, au pardon, je veux souligner aussi la nécessité d’aider les enfants à découvrir la Parole de Dieu, à la lire, à la comprendre, à la prier. La Parole de Dieu est vraiment une nourriture comme l’écrit le pape : « La famille est appelée à partager la prière quotidienne, la lecture de la Parole de Dieu et la communion eucharistique pour faire grandir l’amour et devenir toujours davantage un temple de l’Esprit » n°29.

En faisant de sa famille une Eglise domestique, on permet à chacun de trouver sa vocation.

Parents comme enfants. Je pense aux vocations diaconales pour les pères mais où l’épouse est étroitement associée ou aux missions ecclésiales confiées par l’évêque à l’un ou à l’autre. Je pense aussi aux vocations des enfants que nous avons la responsabilité de faire éclore pour le bonheur de tous. Vocation dans le mariage mais aussi dans la vie religieuse ou la vie sacerdotale. C’est un point délicat car peu de parents, en fait, encouragent leurs enfants à envisager aussi ces vocations particulières ! Ce qui explique en partie le peu de vocations religieuses aujourd’hui. Les parents sont souvent un frein, sans doute parce qu’aujourd’hui on a peu d’enfants… on pense donc davantage à préserver à tout prix sa succession !

4.     « Une cellule vitale pour transformer le monde »

«  La famille est le lieu de la première socialisation, parce qu’elle est le premier endroit où on apprend à se situer face à l’autre, à écouter, à partager, à supporter, à respecter, à aider, à cohabiter. La tâche de l’éducation est d’éveiller le sentiment du monde et de la société comme foyer, c’est une éducation pour savoir ‘‘habiter’’, au-delà des limites de sa propre maison » n°276.

C’est pourquoi on peut vraiment dire que la famille est la cellule vitale qui transforme le monde dans la mesure où les enfants et les parents y apprennent à construire une communauté de vie et d’amour qui est appelée à s’unir à d’autres familles pour développer une société où chacun est respecté et notamment les plus fragiles.

On voit beaucoup de jeunes aujourd’hui, et je pense à ceux que les enseignants ont devant eux tous les jours dans les établissements scolaires, qui sont désocialisés. On pourrait dire mal éduqués mais c’est plus que cela car ils vivent dans des familles déstructurées où ils n’apprennent pas à vivre en société.

C’est pourquoi il est essentiel de promouvoir toutes les initiatives qui permettent aux familles, même celles qui ont vécu des épreuves ou qui sont brisées, de pouvoir apporter aux jeunes ce dont ils ont besoin pour se socialiser et par là même construire la société de demain. Les AFC font un travail remarquable en ce sens.

Comme l’exprime l’auteur anonyme de la Lettre à Diognète (2ème siècle) :

« En un mot, ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde. L’âme est répandue dans membres du corps comme les chrétiens dans les cités du monde. (…) L’âme est enfermée dans le corps, mais c’est elle qui maintient le corps; et les chrétiens sont comme détenus dans la prison du monde, mais c’est eux qui maintiennent le monde. ».

Cet esprit, cette âme, c’est la foi des chrétiens et leur engagement, mais aussi le trésor que constitue la Doctrine Sociale de l’Eglise qui est une compilation de ce que les apôtres et leurs successeurs depuis l’origine ont médité l’Evangile en regard des événements du monde. C’est donc un texte évolutif mais dont le fondement est toujours la Bonne Nouvelle de Jésus et son enseignement.

Conclusion :

 Prière à la Sainte Famille :

 

Jésus, Marie et Joseph
 en vous, nous contemplons la splendeur de l’amour vrai, en toute confiance nous nous adressons à vous.

Sainte Famille de Nazareth,
 fais aussi de nos familles
 un lieu de communion et un cénacle de prière, d’authentiques écoles de l’Évangile
 et de petites Églises domestiques.

Sainte Famille de Nazareth,
 que plus jamais il n’y ait dans les familles
 des scènes de violence, d’isolement et de division ; que celui qui a été blessé ou scandalisé soit, bientôt, consolé et guéri.

 Sainte Famille de Nazareth,
 fais prendre conscience à tous
 du caractère sacré et inviolable de la famille, de sa beauté dans le projet de Dieu.

 Jésus, Marie et Joseph, Écoutez, exaucez notre prière

 Amen !

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